Lorsque l’équipe de France retrouve le palais des sports de Madrid les 22 et 23 février 1986 pour les championnats d’Europe en salle, dix-huit ans après l’édition 1968 qui avait vu la victoire de Sylvie Telliez sur 50 m, la FFA sort d’une intense période de remous. L’année 1985 a en effet vu l’élection de Michel Bernard à la présidence de la FFA en remplacement de Michel Marmion avec un grand renouvellement des instances, mais aussi la fin prématurée de la mission d’Alain Godard à la DTN en septembre, dix mois après sa nomination à la suite du départ de Jean Poczobut à l’issue des Jeux de Los Angeles. Alain Piron a accepté ce poste qui a donc vu passer quatre titulaires depuis 1973 et Madrid constitue son baptême du feu international.
Le courant semble bien passer entre le nouveau patron technique et les athlètes et Piron tente même un pari osé en se privant de Pierre Quinon et de Stéphane Caristan, partis s’aguerrir aux championnats des Etats-Unis. Voici deux médailles en moins dès le départ ou pour le moins de fortes probabilités de podium, mais il y a aussi les championnats continentaux à préparer pour l’été suivant, ce qui vaut bien ce sacrifice. Si Bruno Marie-Rose au 60 m, Thierry Tonnelier au 800 m et Philippe Collet à la perche vont décrocher le bronze, c’est du 60 m haies féminin que le meilleur résultat va venir.
Trois athlètes sont sélectionnées. Monique Ewanjé-Epée, 18 ans et grande espoir de la discipline, est ainsi plongée dans le grand bain et va battre en série puis en demi-finale la meilleure performance française junior, ses 8’’06 constituant aussi un futur record du monde de sa catégorie. Laurence Elloy, son aîné de huit ans survole les obstacles et abaisse en 7’’94 puis 7’’89 la MPF senior (début 1987, la FFA reconnaîtra les premiers records de France en salle dont cette performance). Elle domine par deux fois l’Allemande de l’Est Kerstin Knabe, et se positionne ainsi idéalement en vue de la finale derrière la favorite Cornelia Oschkenat, autre représentante des Wundermädchen.
Pour compléter les bleues, Anne Piquereau, forte de ses médailles de bronze de 1985 aux Jeux Mondiaux en salle et à Athènes lors de l’édition européenne précédente, est également prête à en découdre. En 8’’00 en série, puis 7’’94 en demi-finale, MPF qu’Elloy va améliorer dans la deuxième course, elle est à chaque fois devancée par Oschkenat, mais elle domine les Bulgares Zagortcheva et Donkova. La finale s’annonce indécise et si Oschkenat ne tremble pas et s’impose en 7’’79, c’est bien Piquereau qui va décrocher le jackpot et l’argent en 7’’89, devant Knabe 7’’90, l’Allemande de l’Ouest Denk 7’’91, Elloy en 7’’94 qui ne renouvelle donc pas son exploit de Bercy et sa médaille d’argent aux Jeux Mondiaux en salle un an auparavant, et Donkovasixième en 8’’09, et future recordwoman du monde du 100 m haies quelques mois plus tard.
Anne Piquereau n’ira pas aussi loin mais restera en équipe de France jusqu’en 1996, décrochant à nouveau l’argent à Bercy lors de l’édition 1994 des championnats d’Europe, et se qualifiant quasiment à tous les championnats internationaux avec en point d’orgue une cinquième place aux championnats du monde à Rome en 1987 sur 100 m haies et un record à 12’’74 en 1991(Crédit photo : Gilbert Iundt – Revue FFA).

Rédacteur Luc Vollard